Ambroise conseil - conseil en gestion
Newsletter novembre 2020- N° 23
Newsletter Innovation Ambroise Conseil - Novembre 2020

L’avenir du Crédit d’Impôt Recherche

 

Le CIR, principal dispositif fiscal de financement de la R&D « sanctuarisé » en 2008, voit son assiette vaciller sous les coups de réduction du législateur : hier via la réduction des frais de fonctionnement calculés sur les dépenses de personnel de 50% à 43 % (Loi de Finances pour 2020), et aujourd’hui avec la fin du doublement des dépenses de sous-traitance publiques (projet de Loi de Finances pour 2021). 

A noter également pour nos clients dont les centres de R et D se trouvent en Corse, le Projet de Loi de Finance 2021, prévoit de ramener le taux majoré de CIR de 50% à 35%.

Comme chaque année la loi de Finance sera votée définitivement dans les derniers jours de décembre.

En complément, nos récentes expériences nous amènent à commenter ici, deux points particuliers

  1. Les demandes de remboursement des créances CIR

Les demandes de remboursement des créances de CIR sont traitées rapidement dans la plupart des cas. En 2018 les deux tiers des demandes ont été traitées dans un délai de moins de trois mois[1]. Nous constatons en 2020, incluant la période de crise Covid, que les remboursements par l’administration fiscale, sont réalisés dans des délais courts– montrant aussi que des délais de remboursement accélérés sont possibles ! Cependant, les délais peuvent parfois être très longs.

En cette période de fragilisation économique pour nombre d’entreprises, il est important de mieux encadrer les délais de remboursement de créance CIR dans les textes pour que puissent se maintenir des délais de traitement rapides quel que soit le service des impôts traitant le dossier.

Selon les textes, l’administration fiscale doit répondre à la demande de remboursement de la créance CIR du contribuable dans un délai de 6 mois. A défaut, la demande est présumée rejetée et le contribuable peut saisir le tribunal administratif du litige. Cependant les recours devant les juridictions étant longs et coûteux, les PME vont en pratique préférer attendre une réponse de l’administration fiscale sur leur demande qu’engager un recours.

On constate que des remboursements peuvent être bloqués de nombreux mois, y compris pendant la présente crise sanitaire, dans l’attente du résultat de contrôle CIR portant sur d’autres années, et non encore terminé : « votre demande ne pourra être traitée qu’à l’issue du résultat du contrôle et reste donc en attente » est alors la réponse type donnée.

Prenons l’exemple d’une PME que nous connaissons bien, qui a déclaré du CIR pour les années 2017 à 2019. Son CIR 2017 et son CIR 2018, portant sur un premier projet de recherche, sont étudiés par l’administration fiscale lors d’une vérification de comptabilité, et l’expertise remise au MESR, il y a douze mois est encore en cours... En 2019 (année non contrôlée), la société déclare du CIR, en avril 2020, sur un second projet de recherche, et a obtenu un rescrit validant l’éligibilité au CIR 2019 de ce second projet.

Lorsque la société demande le remboursement de son CIR 2019, elle va se retrouver dans une situation ubuesque : en effet son CIR 2019 sera bloqué car l’administration est dans l’attente de la fin du contrôle portant sur le CIR 2017 et 2018, et elle ne pourra pas opposer son rescrit 2019 car elle est dans une situation de demande de remboursement !

Il est tout à fait normal que l’administration fiscale use de son pouvoir de contrôle et s’assure de la justesse du montant du CIR déclaré par un contribuable. Mais, dans le cadre du remboursement de la créance CIR d’une année N, il conviendrait que l’administration contrôle ce CIR N pour décider de son remboursement et du quantum de ce remboursement, et non pas qu’elle en bloque totalement le remboursement sans l’analyser car une incertitude (et non un litige !) existe sur tel ou tel CIR antérieur.

 

  1. La garantie d’un réel dialogue lors des expertises CIR

Lors d’un contrôle exercé sur le CIR deux administrations différentes peuvent intervenir : 

L’administration fiscale, la seule compétente pour procéder à des rectifications, peut solliciter une expertise du ministère de la recherche se prononçant sur l’éligibilité ou la non-éligibilité technique des projets déclarés par la société contrôlée. 

La demande d’expertise auprès du Ministère de la Recherche est laissée à l’initiative de l’administration fiscale, le contribuable ne peut pas la réclamer. 

Lorsqu’elle a lieu, cette expertise clef, est malheureusement menée aujourd’hui encore, et malgré les demandes des entreprises depuis de nombreuses années, sans contradictoire (cf Conseil d’État du 19/07/2016 n° 393302). Dans la pratique, la société communique son dossier technique CIR à l’administration fiscale qui le transmet au ministère de la recherche qui désigne ensuite un expert pour analyser ce dossier. Cette expertise peut durer de longs mois, voire d’années … 

Plusieurs amendements ont été déposés par les députés afin de modifier les textes et créer un droit au contradictoire. Mais en 2019, comme en 2020, ils ont été rejetés au motif que le contradictoire était déjà prévu par l’article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales.  

Mais ceci est juridiquement faux ! Les conditions d’une rencontre avec l’expert qui sont prévues à l’article R 45 B 1 du LPF dépendent toutes entières de l’expert lui-même

En effet, l’article R. 45 B 1 du LPF prévoit la possibilité pour les sociétés de demander une rencontre avec l’expert, mais ce n’est qu’une possibilité soumise à la libre appréciation de l’expert qui peut le refuser.

La pédagogie du contrôle, les échanges et le dialogue, la relation de confiance avec le contribuable, ne sont toujours pas garantis par les textes... 

 

L’équipe INNOVATION de l’Agence Ambroise Conseil.

Pour toutes informations complémentaires : contact@ambroiseconseil.com

 


[1]  http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/cri/2019-2020/20200071.pdf p.11031, Assemblée Nationale, première séance du 15 novembre 2019